Interview: Osunlade

Interview: Osunlade

Osunlade

Osunlade est une artiste qui n’est plus vraiment à présenter. Avec des productions comme Momma’s Groove, The Deep ou Pride et son excellent album Elements Beyond, ce prête de la religion Yoruba, appellation qu’il a reprise pour son label, a su marier les traditions avec la musique électronique en oscillant entre spiritualité et dancefloor. A l’occasion de la sortie de son nouvel album, Rebirth, et de son passage au Djoon ce 26 décembre, il nous a accordé une petite interview.

Vous jouez le 26 décembre au Djoon, un jour après Noël, quels cadeaux vas-tu offrir aux parisiens?
Quelques unes de mes nouveautés et de celles du label, et quelques tueries techy!

OsunladeEst-ce que tu prépares beaucoup tes sets ou tu fais confiance à ton instinct et à l’énergie dégagée par la foule?
Je ne prépare jamais mes sets à l’avance, je n’utilise que l’énergie du moment. La lecture de la foule est le meilleur atout qu’un DJ peut développer, j’essaie donc de l’utiliser comme principal outil.

Ecoutes-tu beaucoup de musique électronique? Et vous voyez-vous comme un producteur de musique électronique?
Très peu, j’écoute surtout du Jazz, de la Soul et de la Folk. Je me considère comme un producteur de musique électronique au sens le plus large du terme.

Tu es fort inspiré par le Jazz et la Soul, qu’est-ce que ces deux genres ont de si attirant pour toi?
Je pense que c’est à cause de la grande qualité des mélodie et de l’émotion qui se dégage de cet musique. Il y a quelque chose de pur qu’il est impossible de falsifié. Ce n’est pas préfabriqué, c’est spontané et je pense donc que c’est l’essence pure des émotions humaines.

Vous utilisez d’ailleurs ces influences dans votre musique et productions?
Oui, bien sûr. Pour moi, toute la musique que je crée, vient d’une certaine forme de la Soul parce que c’était le style de musique par lequel j’ai été influencé pendant mon enfance.

Et quels sont ces artistes qui ont eu cette influence sur vous?
Tout le monde en réalité. Je ne peux vraiment pas en citer un en particulier. Mes parents écoutaient de tout. La préférée de ma mère était Aretha Franklin and celui de mon père, James Brown. Mais j’ai entendu de tout et spécialement pendant les années 70. Grandir à Saint-Louis, dans le Missouri, a plutôt était une aubaine. Etant dans le centre du pays, nous entendions autant la musique des villes populaires du pays que la musique de la région. Nous avions ainsi vraiment de tout.

Avec le temps, vous êtes parti à New York. Quand était-ce?
J’ai déménagé à New-York quand j’avais 18 ans. Mais j’avais déjà déménagé à Los Angeles à 17 ans et j’y suis resté environ un an et demi avant de partir pour New-York. En gros, je suis un « bi-côtier », j’avais une place à deux endroits, une à New-York et une à Los Angeles. J’ai passé mon adolescence et les premières années de mon âge d’adulte à ces deux endroits mais mon éducation et mes influences musicales étaient essentiellement pendant mes années à Saint-Louis.

Nous avons entendu dire que Prince a eu une grand influence sur vous, est-ce vrai?
Certainement. Quand Prince est arrivé, il a été une telle influence pour tous les musiciens de la région parce qu’il était un artiste « du centre ». Je veux dire, il est de Minneapolis, dans le Minnesota, qui est considéré être dans le nord du centre, mais il a été une telle influence pour nous parce qu’il a été ici un gars auquel on pouvait se référer. Sa musique était également proche de celle que nous jouions comme le Funk, et c’était à peu près ce que tous les musiciens jouaient à Saint-Louis, du Funk et de la Soul.

OsunladeParlons un peu de ton groupe. Ce n’est pas la première fois que tu te constitues un groupe, n’est-ce pas?
Non, mais la plus part des instruments sur l’album sont bien de moi seul. Il n’y a seulement que quelques chansons que le groupe joue en fait, et c’était même plutôt des sessions studios que jouer tous ensembles dans une pièce. Je dirais finalement que les 92% de l’album sont joués par moi seul.

Combien de temps cela a pris pour finir tout l’album?
En fait, j’ai commencé à écrire quelques titres de cet album en 1994, nous pouvons donc dire qu’il s’est fait de cette date à maintenant. Peu de chansons ont été faites à cette époque mais les chansons comme Butterfly et Paint Me A Picture sont du milieu des années 90 et début des années 2000. Elles ont certainement bien été réenregistrées plusieurs centaines de fois. Et les chansons plus récentes ont été écrites au cours de ces quatre dernières années, c’est un processus très long. Pour moi, c’est comme mon premier album, car c’est celui sur lequel j’ai travaillé le plus longuement et c’est le plus proche de moi musicalement mais aussi celui sur lequel je suis musicalement le plus vulnérable. Donc pour moi, c’est comme mon premier album parce qu’il est exprime l’évolution de moi-même comme une personne.

Etes-vous complètement heureux du résultat final?
Oui, définitivement. Les chansons de l’album sont là où elles doivent être, mais l’album est plus sur la responsabilité de l’artiste que je pensais être prêt à être. C’est différent pour moi car je voudrais revenir d’un point de vue de producteur sur la plupart de ma carrière et quand j’ai commencé le label, je n’avais pas l’intention d’être un artiste mais une fois que tu mets ton nom sur un enregistrement, tu deviens un artiste.
Au cours des 10 dernières années, j’ai été connu pour produire de la musique House et je l’ai utilisé juste pour être derrière la scène, donc la façon dont je vois l’album, est de prendre ma responsabilité de voir ce que deviendra à jamais mon chemin dans cette nouvelle étape. Vocalement et au chant, je pense que les gens attendent maintenant beaucoup plus de vous et de ce que j’ai connu au cours des 10 dernières années, ce qui est plutôt très envahissant. C’est envahissant comment les gens s’attache d’eux-mêmes à vous depuis ce qu’il ressente et retire de votre music.
Il ya beaucoup de responsabilité et avec cet album et à ce stade de ma vie, je suppose que je suis l’exception et je suis prêt à assumer des responsabilités supplémentaires sur le fait que je vais être assimilée à un artiste.

Vous ne pouvez pas reprocher aux gens de s’attacher à vous en raison de votre musique, cependant vous le faites.
Non pas du tout, je suis arrivé à un point où maintenant je suis prêt pour le faire et aussi à en porter la responsabilité. Mais c’est plutôt envahissant quand vous êtes en tournée and que vous avez des gens qui vous mettent beaucoup de pression la plupart du temps. Mais il y a des moments où vous n’avez plus l’énergie de vous assoir et que parlez aux gens en étant tout le temps gentil. Et c’est donc une grande responsabilité comment cette personne qui vous rencontrera quelque secondes vous percevra parce que c’est l’image de vous qu’elle aura pour le reste de sa vie. Personnellement, je n’étais pas vraiment prêt à vivre ça avant maintenant.

OsunladeAvez-vous senti par moments que vous ne vous êtes pas représentée de la façon que vous auriez voulu avec certaines personnes?
Non, je crois que j’ai toujours été au-delà et essayer d’être un peu plus extra sympa! Je suis une personne approchable et je suis plutôt quelqu’un d’humble et simple. Mais oui, il y a des fois où vous pouvez venir comme un trou du cul et je me suis retrouvé dans cette situation avec d’autres artistes quand je les vois avec certaines personnes qui les admirent et qui partent en pensant de l’artiste qu’il est un total trou du cul. Et alors vous pensez « Whaou! Tu les as connu que 10 secondes et tu ne sais même pas qui ils sont ». La chose est que cette impression restera dans l’esprit de ces personnes pour tout le reste de leur vie.

Pensez-vous que maintenant votre égo pourrait gonfler que vous êtes un chanteur reconnu, que vous avez un groupe et que l’album est sorti?
Non, je ne suis pas une personne égocentrique. Je suis vraiment très clair avec moi-même et très clair avec le fait de pourquoi je fais les choses que je fais. Je ne fais pas ça pour la gloire, pour l’argent ou quoique ce soit d’autre. Quand j’ai commencé le label, j’ai fait un pacte avec moi-même que je voudrais juste faire de la musique parce c’est une force de guérison pour moi, une passion et aussi un moyen de m’exprimer.
Ca aurait été beau pour moi de ne pas recevoir l’appréciation des gens. Bien sûr, j’aime le fait que les gens comprennent et prennent ma musique, mais ce n’est pas la raison pour laquelle je le fais.
En étant un producteur pendant la plupart de ma carrière, j’ai vu un nombre incalculable d’artistes ruiner leur carrière à cause de leur ego, et quand cela se produit leur musique devient tellement secondaire. Lorsque vous n’avez plus votre passion, vous devenez une parodie de vous-même, et je pourrais vous raconter un million exemples de cas où j’ai vu cela.
Je pense que c’est une bénédiction pour moi d’avoir pu apprendre ces leçons des erreurs des autres.

Qu’est ce que cet album vous a permis d’exprimer et y a t’il une signification particulière derrière les titres?
Cet album en lui-même m’a permis de laisser exprimer là où j’en suis personnellement. Musicalement, c’est la musique que je crée depuis le premier jour, même si ça a été surtout de la musique House pour une grande partie de ma carrière, je dirais que 30% des productions House renfermait ce genre de musique, et elle n’a été tout simplement jamais représentée correctement car la House a toujours été au premier plan.
C’est personnellement pour moi le bon moment d’exprimer « C’est ce que je suis, ce qui est le plus proche musicalement de ce que je fais et de qui je suis. Les chansons parlent de mon évolution, tels que les relations que j’ai eu dans ma vie, les relations qui m’ont fait changer et qui m’ont conduit à travers des hauts et des bas. »

Cet album semble donc très personnel…
Ouais. C’est certainement le son de mon coeur sur une corde et il s’agit du plus vulnérable depuis que je suis né. Donc oui, il est définitivement très personnel.

Cet album est aussi un amalgame de Soul, de Jazz et de Musique Du Monde. Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’abandonner votre traditionnel background House?
Ce n’est pas que j’ai dû l’abandonner, c’est juste qu’au fur et à mesure des années, la House devenait moins importante pour moi dans le sens que si je faisais de la House, je serais toujours occupé à travailler le son de cet album et je ne l’aurais juste pas sorti. Ce n’est pas vraiment un abandon, mais plus un renversement vers ce qui est plus proche de moi en réalité. En général, je pense que la House est devenue un peu ennuyante et j’avais le besoin de faire un pause. J’étais en train d’écouter ce qui ce faisait dans le genre et avec les nouvelles technologies, il y a beaucoup de gens qui en produisent, peut-être aussi beaucoup de gens qui ne devraient pas en produire. C’est juste devenu un seul son pour moi.
Sortir cet album est comme une libération pour moi. Je veux dire, c’est fait et c’est sorti et peu importe ce qu’il se passe avec, c’est chouette. C’est une démarche très personnelle et si les gens accrochent, c’est bien et s’ils n’accrochent pas, c’est bon aussi. C’est le même sentiment que quand j’ai lancé le label et que j’ai sorti mon premier titre House, du fait que c’était strictement un besoin pour moi. Je n’avais pas d’idées ou d’attentes à ce propos, c’était strictement personnel et par la grâce de Dieu, j’ai eu des gens qui ont écouté.

Osunlade - Rebirth - Yoruba RecordsEt c’est pour cela que vous avez appelé votre album Rebirth (littéralement Renaissance)?
En fait, c’était le titre original du projet quand je l’ai démarré en 1994. Je l’avais appelé comme ça parce que c’était exactement ce que c’était, c’est un autre souffle de ma vie, cette part de mon évolution. Ensuite c’est album va m’ouvrir des portes vers des nouveaux horizons, je ne vais faire que de la musique House ou juste faire cette musique et c’est important pour moi.

Est-ce que le titre à un rapport avec votre spiritualité?
J’ai envie de dire oui parce que si tu regardes la pochette de l’album, il y a trois éclats lumineux et chaque éclat représente une renaissance spécifique qui a eu lieu dans ma vie, spirituellement parlant. Il y en a une près de la tête qui représente le moment où je suis devenu un prêtre. Il y a en a une à l’arrière du dos et une dans les environs des testicules! Et chacune représente une renaissance spirituelle et personnelle spécifique que s’est passée dans ma vie. L’image du cover montre un homme dans une position foetale dans une vigne enroulée sur le sol, et c’est une photo que j’ai faite, il y a deux ans, et c’était pour une séance que je faisais pour un ami. Je n’avais pas d’idée précise pour la cover à ce moment, mais cette photo semblait montrer un homme en pleine renaissance, c’était donc parfait et ça a marché.
Les covers m’ont toujours intrigués et je pense que c’est ce qui manque dans les illustrations d’album aujourd’hui, il n’y a pas grand chose qui vous attire en lui. Je crois certainement que cette pochette va capter l’attention des gens.

Et que ressens-tu quand tu vois qu’un titre comme Mirror Dance d’Afefe Iku ait été playlisté par des DJ superstars de la Minimal?
J’apprécie le fait que de nombreux DJ connus et inconnus aient été séduis par un titre comme Mirror Dance. Ça illustre bien la diversité de notre musique tout en mettant en valeur les points communs entre ses différentes branches.

Quels sont vos projets pour l’avenir? Est-ce que « Burning Man » fait partie de tes plans pour l’été prochain? (ndlr : Le « Burning Man » est une grande rencontre artistique qui se tient chaque année dans le désert du Nevada)
Mon principal projet est continuer à créer la musique en laquelle je crois et plus généralement de persévérer dans ma lancée. Et oui, Burning Man est un élément de base de ma vie, j’y assisterais chaque année jusqu’à ma mort!

Nous tenons à remercier Osunlade, l’équipe du Djoon et l’équip de Defected pour cette interview.

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