P2P: les mensonges des majors

P2P: les mensonges des majors

Le marché du disque subit une crise sans pareille ces dernières années. Les ventes de disques ne cessent de chuter, et les majors ont trouvé un bouc émissaire tout désigné pour en porter toute la responsabilité : le P2P. Leurs arguments sont parfois un peu légers… Voir grotesques!

L’échange de fichiers musicaux soumis à droits d’auteurs sur les réseaux P2P est illégal, c’est vrai! Et c’est apparemment le seul argument valable des majors… Voyons pour les autres :

Les pirates sont des criminels!

Voilà le premier mensonge : le terme de « pirates » induit une confusion volontaire entre la contrefaçon industrielle (basée sur des usines et un réseau de revendeurs qui diffusent des millions de faux CD chaque année) pour laquelle il est traditionnellement utilisé ; et le téléchargement « de chambre ». Mais les majors ont des as de la communication qui ne ratent pas une occasion de criminaliser les P2Pistes. On le voit aussi dans les procédures judiciaires, qui sont bien peu efficaces à l’échelle du P2P (avec les quelques centaines de procès par mois, il faudrait plus de 2000 ans pour juger les seuls utilisateurs de Kazaa, rien qu’aux US) mais qui font passer le message de l’illégalité. De plus, et quoi qu’en pense l’Industrie du Disque, le p2p « civique » existe: beaucoup d’internautes se servent du P2P comme médium de découverte.

Le P2P fait baisser les ventes de CD

Même si ça paraît logique, ça reste à prouver! Les études ne sont pas si claires à ce sujet… Au pire, les P2Pistes achèteraient « un peu moins » de CD (10 % de moins, comme dans l’étude Forrester, par exemple). Mais une bonne moitié des enquêtes fait ressortir le résultat contraire : les P2Pistes achèteraient « un peu plus » de CD (étude Insightexpress, par exemple) !
D’autres indices permettent également de douter: les ventes de musique classique baissent aussi, alors qu’elles sont très peu touchées par le piratage. La baisse des ventes n’est-elle pas due aussi, en plus du marasme économique ambiant, à l’abondance de nouvelles offres : DVD, jeux vidéo, téléphones mobiles, etc.? Le budget des consommateurs n’est pas illimité, il faut faire un choix, et les nouvelles offres viennent concurrencer les anciennes. Le manque de diversité casse aussi l’envie d’achat, l’équation est simple : moins il y a de choix, moins les gens achètent… « Il y a plus de diversité dans les yaourts que dans le disque » (Patrick Zelnik, PDG du label indépendant Naïve, cité dans GMN)

Les internautes téléchargent des fichiers musicaux plutôt que de les acheter

Corollaire du mensonge précédant, et permettant de sortir des chiffres hallucinants des pertes causées par le P2P. Je ne m’étendrai pas sur ce calcul d’une mauvaise foi sans pareille: 1000 mp3 téléchargés multipliés par 1,5 euros par morceaux = 1500 euros de pertes… Pour les majors, un P2Piste qui télécharge 1000 morceaux aurait donc acheté une centaine d’albums? Rares sont ceux qui en ont les moyens! Et de plus, ce P2Piste n’aurait acheté aucun album sur la même période? Et pourquoi pas?!

Les téléchargements illégaux nuisent avant tout aux petits artistes

Les majors sont des structures dont le seul but est de faire de l’argent : « les artistes sont des marques que je dois gérer » (Pascal Nègre, Le Figaro Entreprise – 05/03) : depuis quand se soucient-elles des « petits artistes »?
Et bien depuis que la communication anti-P2P est à l’honneur! Mais il ne faut pas se prêter à ces arguments: le champ de compétence des majors est économique, ces gens-là ne pensent qu’à faire de l’argent. Quand elles parlent de morale, c’est dans un but marketing!
De plus, les artistes les plus téléchargés sont ceux du Top50, ces quelques artistes distribués à grands frais qui amassent 99% du budget marketing… Et aussi qui vendent le plus de disques!

Le P2P est la cause d’un appauvrissement de la variété musicale

Ah tiens! Alors qu’au contraire il enrichit les connaissances musicales des utilisateurs. Alors que le p2p est un accélérateur de culture musicale, une ouverture sur le monde. Et alors que les producteurs indépendants ne sont pas (ou peu) touchés par cette « crise du disque »?
N’est-ce pas plutôt la musique-marketing-jetable qui est sanctionnée ? Les majors ne devraient-elles pas dépenser plus de budget à la production, et moins au marketing?
C’est cette « culture major » – distribuer peu d’artistes à grand frais – qui diminue la variété musicale: « C’est la crise, effectivement, mais c’est aussi la crise des mauvais disques. La baisse des ventes correspond à l’arrivée massive du marketing, des compilations, de la télé-réalité. Et plutôt que de se remettre en question, l’industrie du disque met en cause le téléchargement, avec un discours de discrimination terrifiant… » (Eric Morand, patron du label indépendant F Communications, cité dans Libération)
Avec un effet pervers pour le futur: les jeunes qui écoutent ça donnent moins de valeur à la musique, et seront d’autant plus tentés de pirater ces productions « sans valeur »… « Est-ce qu’on a transformé le disque en produit jetable? » (Patrick Zelnik)

Les protections sur les CD et les morceaux téléchargés vont arrêter la crise

Ces protections qui existent depuis toujours sur les logiciels et qui n’ont jamais empêché leur copie ? Ces DRM achetés à grand frais à Microsoft, alors que c’est l’éditeur le plus piraté au monde? Les CD manquent tout simplement de sex-appeal. Les ventes de DVD musicaux montent en flèche, les concerts marchent très bien, jamais on a écouté autant de musique.
Et au lieu de chercher à améliorer le support: bonus, packaging,… On le détériore en limitant son usage! « Quand les producteurs se sont enfin mis au téléchargement, ils utilisent la technologie non pas pour créer de la valeur ajoutée pour le consommateur, mais de la valeur diminuée, en réduisant la qualité du produit et en ajoutant des contraintes techniques (DRM) et commerciales (abonnements) » (Hutspot sur p2p4.com) La musique devient mobile: elle ne s’écoute plus seulement sur la chaîne du salon, mais aussi sur le mini-disc, le lecteur CD/mp3, le baladeur mp3, le lecteur DVD, l’ordinateur, le GSM… En ajoutant des protections qui limitent l’usage – normal! – du CD, c’est plutôt le support que le P2P que l’on va tuer.
Mais la communication est sans pitié: c’est le P2P le seul ennemi! Et pourtant, au final, toutes ces mesures techniques n’auraient-elles pas l’effet inverse de celui désiré? Et si elles provoquaient une ruée des utilisateurs – frustrés de ne pouvoir utiliser leurs achats librement – vers le P2P? Et pour ajouter à cette absurdité, les millions dépensés dans ces protections inutiles et néfastes viennent encore augmenter le prix du CD… Au détriment du consommateur et des ventes!

Achetez mon CD, c’est le meilleur

Ce genre de mensonge-là est aussi de plus en plus difficile à faire passer… Si les bons morceaux sont diffusés à une vitesse incroyable sur les réseaux P2P, parfois même avant leur sortie dans les bacs, c’est grâce à un effet « viral »: l’information circule à grande vitesse. Mais l’inverse est aussi vrai : si le disque est médiocre, ça se sait aussitôt. Et cela sort même très vite du cercle fermé de la « Communauté P2P »: le bouche à oreille fonctionne à plein régime. Et une bonne campagne de pub à la télé n’y changera rien: les consommateurs savent déjà que le produit est passable.

Sans majors il n’y aura plus de musique

Grossière erreur! Comme le dit si bien O’Reilly « si les éditeurs actuels sont incapables de s’adapter, d’autres prendront tout de suite leur place ». Les majors se sont coupées de leurs consommateurs, elles attaquent même leurs propres clients en justice! Elles s’acharnent dans leurs méthodes de ventes qui datent du vinyle… Et sont pour la première fois confrontées à un support qu’elles n’ont pas elles-mêmes lancé (pire que tout: elles ne touchent pas de royalties dessus!). Pourtant, des analystes alertent les maisons de disque depuis 1999 sur les potentiels (et dangers) d’Internet, mais ils se sont heurtés à une inertie arrogante des majors, assurées de leur situation dominante…
Plutôt que de se remettre en cause valablement, elles tentent de trouver de nouveaux « bizness models » (sonneries de portables, musique de jeux vidéo,…) qui, même s’ils sont parfois efficaces question revenus, ne rehaussent pas la qualité de la production, la diversité, et le potentiel artistique de leurs productions.

C’est impossible de légaliser le P2P

Les majors sont contre l’instauration d’une « licence légale »: une redevance sur la bande passante, par exemple, avec un téléchargement illimité. C’est impossible techniquement? Non, c’est faisable: les DRM, ou les statistiques du réseau, pourraient servir à redistribuer avec justesse (et justice) la manne perçue… La vérité, c’est que les majors veulent verrouiller la diffusion sur Internet à leur seul profit: l’instauration d’une licence légale leur rapporterait moins que la négociation des œuvres dont elles ont les droits. Surtout, les majors distribuent elles-mêmes ces œuvres, récoltant les 22% du prix de vente alloués à la distribution. Autoriser une autre plate-forme de distribution serait perdre les grosses marges réalisées à cette occasion.

A qui s’adressent tous ces mensonges?

Au grand public, d’une part, pour leur faire comprendre que le P2P est mal. L’effet est plutôt mitigé : quasiment aucune industrie n’a une aussi mauvaise image que celle du disque. Pour la hiérarchie ou les actionnaires, alors? Probable, il faut bien sauver la face. Mentir est plus facile que se remettre en question. Mais il est possible aussi que les grands pontes des majors souffrent tout simplement d’aveuglement, et croient à ces billevesées!

Source : http://www.open-files.com

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About author: Sultan El Turrah

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